Les amazones

Publié le 12 Janvier 2018

Bam bam bam bam. Une rumeur. Un son sourd qui se rapproche. Est-ce que vous les entendez ? Est-ce que vous les entendez ces milliers de pieds qui frappent le sol ?

Bam bam bam bam. Ce sont les pieds de milliers de femmes qui se sont mises en marche. Elles avancent. Elles martèlent le sol de leur pas. Elles viennent piétiner le patriarcat. Le réduire en miette. N’en faire plus qu’un souvenir. Réduire à néant les cages et les plafonds de verre. Acculer les porcs et les prédateurs.

Bam bam bam bam. Ce sont les pieds de milliers de femmes qui marchent. Elles ont quitté leur place. Cette place qui leur a été assignée,  cette si jolie place, décorée et charmante, cette place cerclée du rouge des interdictions :

 « Au-delà, c’est dangereux. Au-delà, c’est indécent. C’est grossier, c’est vulgaire, ce n’est pas féminin. Reste à cette place,  sinon je te gifle. Reste à cette place, sinon je te tue. Reste à cette place, et sois bien sage. Reste à cette place et souris.

Reste à cette place et si un homme pose sa main sur tes fesses sans y avoir été invité, si il te traite comme un bout de viande au bout d‘un crochet…  Souris – gentiment.

Méfie-toi de cet homme car il en veut à ce que tu as entre les jambes, ce que tu as de plus précieux, la seule chose que tu dois préserver, ce qui te donne ta valeur - marchande. Méfie-toi de lui, faufile-toi loin de ses mains poisseuses. Mais souris. Tu comprends, on ne peut rien faire. Tu comprends, c’est la famille. Tu comprends, c’est un bon client. Tu comprends ? Alors ne dis rien. Souris. Surtout souris. Et tais-toi. »

Mais elles ont passé la ligne rouge dans un fracas et un tumulte de révolution. Elles ont piétiné d’adorables bibelots et mille choses inutiles qu’on essayait de mettre en travers de leur chemin. Le bruit se rapproche. Elles arrivent. Sur leurs joues et leur corps des traces de larmes et de sang.

Regarde-les, ces femmes. Regarde-les bien. Ne t’y trompe pas : elles ne viennent pas supplier, demander gentiment ni pleurer sur une épaule protectrice. Elles viennent obtenir satisfaction. Et elles rendent coup pour coup.

 

Rédigé par Mira Constantine

Publié dans #Poèmes

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