Rions de notre monde pour ne pas avoir à en pleurer...

Publié le 5 Mars 2011

 

Considérant à juste titre que leur vision du monde présentait des points communs avec leur politique entrepreneuriale, l'agence pour l'emploi a récemment procédé à une vague de recrutement dans les hôpitaux psychiatriques. Les entretiens des patients schizophrènes, en particulier, ont favorablement impressionnés les DRH et de nombreux jeunes gens présentant des troubles de la personnalité mènent à présent une vie professionnelle épanouie au sein de l'ANPE.

Suivons-donc Jean-Baptiste Bertot, 24 ans, agent d'accueil pour l'ANPE :

 

 

Le jeune homme au teint pâle ouvre la porte de son bureau et fait entrer la visiteuse suivante.

- Bonjour, Madame, que désirez-vous ?

- Je viens pour vous donner une attestation de mon employeur disant que je travaille seulement à temps partiel. Donc normalement je dois encore toucher le chômage pendant six mois. Mais vous m'avez radié la semaine dernière.

C'est une dame d'un certain âge, à la jupe bien repassée, sérieuse et organisée.

 

Le jeune homme tend la main, prend l'attestation, la range dans un dossier. Subitement, un tic déforme son visage. Il se lève, se rassoit. Il regarde la visiteuse d'un air absent puis semble reprendre ses esprits.

- Bonjour, Madame, que désirez-vous ?

- Euh.... et bien... Ce que je viens de vous dire. Vous devez annuler la radiation, vu que je travaille à temps partiel et que...

- Je suis désolé, j'ai besoin d'une attestation de votre employeur.

Il a l'air sincèrement navré. Ce n'est pas un mauvais bougre mais la procédure, c'est la procédure...

- Mais je viens de vous la donner ! Dit la dame, un peu alarmée.

- Il ne me semble pas, je m'en souviendrais, n'est-ce pas ? Plaisante l'employé sans se formaliser. Sans attestation, je ne peux malheureusement rien faire.

- Mais...

- Vous savez ce que c'est, la procédure, c'est la procédure... mais n'hésitez pas à revenir dans la journée avec l'attestation, je ferai bien volontiers ce que vous me demandez.

Il se lève et raccompagne à la porte sa visiteuse, laissée sans voix par l'entretien.

 

La dame reste plantée dans le couloir. Elle contemple la porte qui s'est refermée derrière elle en secouant la tête.

 

Finalement, une question  ne peut manquer de venir à l'esprit, et cette question, la voici: est-ce si différent de ce qui se faisait avant?

Rédigé par ecrire-divaguer

Publié dans #contes et nouvelles

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