Dieu et la jeune fille aux lunettes roses
Publié le 24 Décembre 2012
La jeune fille aux lunettes roses s’installa à son bureau. Elle fronça le nez. Dieu s’était installé avant son arrivée. Elle n’aimait pas tellement ça. Elle retira ses lunettes et regarda Dieu de ses yeux myopes :
- Qu’est-ce qu’il y a ?
Dieu ne répondit pas tout d’abord. Il boudait.
- Les hommes ne font rien de ce que je leur ai demandé.
- Résultat classique de n’importe quelle éducation. C’est tout ?
- Et je suis fatigué.
- Vous êtes toujours fatigué. Vous n’êtes pas censé vous reposer le septième jour ? C’était quand ?
- Il y a quelques milliers d’années. Depuis je n’ai pas vraiment eu le temps.
- Et tout ce temps que vous passez dans mon bureau ? C’est pas du travail, ça ! Je ne vous demande rien, moi. Je ne suis même pas croyante.
- Comment tu peux ne pas être croyante, puisque tu es en train de me parler ? Si je n’existais pas, tu ne pourrais pas me parler.
Elle plissa le front.
- Très juste. Mettons que je sois croyante. Mais je vais jamais à l’église et je sais même pas prier.
- Justement. Tu es le seul être vivant sur lequel mon œil soit passé qui ne m’ait jamais rien demandé, même à demi.
- Ca sert à rien de demander. On n’obtient jamais rien de toute façon.
- Parfois, on obtient ce qu’on veut. Mais il arrive souvent que ce ne soit pas ce dont on avait besoin.
- Ben alors vous pourriez faire votre boulot jusqu’au bout et nous donner ce dont on a besoin. Comme ça on serait heureux et hop, congé payé pour vous.
- Ah… le bonheur, soupira Dieu, visiblement déprimé à cette idée. Tu sais ce que c’est, toi ? Parce que moi je commence à avoir des doutes.
- Moi ? je suis une adolescente torturée avec des lunettes ridicules, et , en prime, Dieu sur mon bureau qui squatte mon temps de préparation du bac. Allez voir dans la maison à coté, pour le bonheur. Ils ressemblent à une pub Ricorée.
- Les Durant ? Ils sont malheureux comme les pierres.
Elle le regarda un instant en silence.
-Vous pouvez savoir qui est heureux et qui est malheureux, comme ça, à tout moment ?
- Oui, soupira le très-haut, que cette idée ne semblait pas réconforter.
- Et alors ?
- Alors quoi ?
- Ben, ils sont heureux, les gens ?
-A ton avis ?
- Comme ca, spontanément, je dirais non, mais je suis peut-être influencée par la télé...
ps: c'est le premier texte que j'ai publié sur ce blog il y a un an et demi... Je l'ai remonté parce que le jour me semblait approprié : )